Biographie de
Pierre Leron-Lesur
 
«Né sous le signe du bois»
1922 à Saint-Gilles – 2014 à Avignon
This is some text for Interview number 3

Né en Camargue, à Saint-Gilles-du-Gard, il y a quatre-vingt dix ans, Pierre Leron-Lesur a, comme les gardians, choisi une marque : un cœur frappé d’une croix.

 

Un cœur pour l’Amour et pour l’Amitié qu’il a solides et fidèles ; une croix parce qu’il est homme de Foi et qu’il croit en certaines valeurs humaines et spirituelles.

 

Il aurait tout aussi bien pu choisir un arbre au tronc solide, aux branches s’élançant tordues vers le Ciel et aux racines profondément ancrées dans le sol de son Pays.

 

Les uns sont né sous le signe du Bélier, d’autres sous celui de la Balance. Pierre Leron-Lesur est né sous le signe du Bois.

 

Il est justement fier de ses origines et d’avoir « grandi dans le copeaux d’un Bon-Papa tonnelier. »

 

Au mitan di frisons

Et di semau de bos

Asseta a chivau

Par-dessus la colombe

 

A doux pas dou canau

Tout clafi de peissons

Et di tous li coustats

De moi mius encombra*

 

À ce grand-père qui lui a fait aimer le bois par tous ses pores de la peau, par tous les sens, par le toucher, par le regard, par l’odeur, par le bruit des outils sur les planches, et même par le goût que laisse la poussière dans la bouche, Pierre Leron-Lesur voue une piété fidèle. Il la manifeste en ajoutant le nom de sa mère et de son grand-père, Victor Lesur, le tonnelier de Saint-Gilles à celui de son père, Albert Leron, un viticulteur venu de l’Aveyron qui lui a inculqué l’Amour de la vigne et le respect du vin.

 

L’atavisme du bois, « « élément essentiel au vin, essentiel à la vie », Pierre Leron-Lesur l’a chevillé au corps. Engagé volontaire à dix-huit ans, membres du Corps expéditionnaire français en Italie, entre deux combats de la bataille de Cassino, il sculptait les planchettes de bois des caisses de munitions à l’aide d’un outil de fortune fait d’un vieux ressort de couteau effilé sur l’affût du canon.

 

Revenu à la vie civile, il travaille le métal dans une vieille entreprise de plomberie-chaudronnerie de Saint-Maximin, mais il demeure fidèle au bois et commence à rassembler les premiers éléments d’une collection qui ne cessera de s’enrichir.

 

Comme d’autres collectionnent les monnaies, les timbres postes ou les gravures anciennes, Pierre Leron-Lesur collectionne les pièces de bois.

 

À Saint-Maximin d’abord, puis depuis trente ans, à Saint-Rémy-de-Provence, le long des sentiers des Alpilles ou sur les rivages de Camargue, il ramasse « ses bois », branches tordues par le Mistral ou la Tramontane, racines torturées par le rocher ou la recherche de l’eau, lierres entrelacés, troncs roulés et polis par la mer, vieilles planches veinées et patinées.

 

Avec la sensibilité de l’artiste, le talent de l’artisan et un profond respect de ce que la nature a accompli au fil des années, il va faire oeuvre d’art de cette manière brute.

 

Son intervention sera souvent minime car, pour lui, il s’agit de mettre en valeur et non de mutiler et de transformer.

 

À cette noble tâcher, Pierre Leron-Lesur apporte patience et amour (encore le cœur de sa marque) et par là, il réussit.

 

La branche devient oiseau ou danseur ; la racine, gargouille ou animal de légende, le tronc pour lequel le passant n’avait pas un regard, oeuvre d’art à l’état pur, tout simplement parce qu’il a été poli et présenté par un homme de passion et d’attachement.

 

Un homme qui ne se veut pas créateur mais interprète, au sens noble du terme, qui suggère sans forcer l’imagination, qui laisse au visiteur, comme à l’objet, leur liberté, qui estime que le coup de cœur vaut mieux que la comparaison et qui a fait sienne cette réflexion de Saint-Exupéry qu’il a inscrite sur une vieille planche, vestige d’une barque de bateliers du Rhône :

 

Un spectacle n’est rien, tu ne peux vivre que de ce que tu transformes.

 

Pierre Leron-Lesur, lui, ne transforme pas, il présente, il propose aux autres, il laisse la liberté d’imaginer.

 

 

 

Par Daniel Goloubinsky

 

15 décembre 1982

 

 

 

 

 

* traduction :

 

Au milieu des copeaux

Et des cornues en bois

Assis à cheval

Par-dessus la colombe

A deux pas du canal

Tout rempli de poissons

Et de tous les cotés

De tonneaux encombrés