Préface par
Jaqueline de Romilly
 
de l’Académie française

C’est l’amour de l’amandier qui m’a, pour la première fois, fait connaître les « sylvistructures » de Pierre Leron-Lesur.

 

J’aimais l’arbre, l’allégresse de ses fleurs qui devancent toutes les autres, et le contraste entre cette légèreté et la rudesse des vieux troncs noueux qui lui donnent naissance. Peut-être avais-je été sensible à certaines formes, tourmentées et puissantes, de leurs branches. Mais je n’avais jamais vu la merveille du bois lui-même ; et je mesure ce qu’il faut d’amour et de soin pour nettoyer ces branches, les débarrasser de tout le rebut, et leur rendre enfin leur blondeur initiale. La matière de ces bois, une fois passées par les mains de Pierre Leron-Lesur, est si douce et vivante que l’on voudrait l’effleurer d’une caresse. Une telle transformation constitue déjà un petit miracle.

 

Mais le vrai miracle n’est pas là. Il est dans le fait que ces fragments de troncs morts deviennent entre ses mains, sans qu’il y change rien d’essentiel, des oeuvres d’art. Il élague seulement ; il n’ajoute rien. On pourrait dire qu’il libère la forme encore prisonnière dans le bois. Et voilà que surgissent des formes, à la fois naturelles et savamment mises en valeur, où semble soudain palpiter une aile, un drapé, un long et étrange oiseau, ou, tout simplement, un envol – comme si une vie mystérieuse avait attendu de jaillir ainsi de ce qui était mort.

 

Et il ne faut pas s’y tromper : il ne s’agit point du jeu un peu artificiel qui se plaît à reconnaître, dans un domaine où elle n’est pas à sa place, une forme familière – selon des rencontres comme Roger Callois aimait à en trouver dans les pierres. Non, il s’agit, par un échange où l’imagination a sa part, de retrouver, au fil du réel, des images de beauté.

 

J’ai connu les « sylvistructures » de Pierre Leron-Lesur quand leur notoriété commençait tout juste : elles sont maintenant mondialement appréciées, et je m’en réjouis. Peut-être le plaisir que l’on a à saluer cette réussite est-il accru par le sens qu’elle revêt : à un moment où la lutte de l’homme contre la nature est source de tan de maux, il est précieux de voir, pour une fois, s’établir entre l’un et l’autre une collaboration aussi étroite et aussi pure.